Podcast Où est le beau ? Interview de Bernard Reybier, PDG de Fermob

 

Retrouvez notre retranscription du Podcast « Où est le Beau », interview du PDG de Fermob Bernard Reybier par Helène Aguilar. A découvrir sur le site ouestlebeau.com

Hélène Aguilar : Bonjour à toutes et à tous, Je suis Hélène Aguilar et vous écoutez

« Où est le beau ? » .

Un podcast dans lequel je discute avec celles et ceux qui créent le beau d’aujourd’hui. Tous les jeudi avec mes invités, on parle autrement d’architecture, de design et d’art. Ils se livrent à mon micro et nous parle de leur travail, de leur quotidien.

Je leur demande leur définition du beau et ils nous partagent aussi de nombreuses anecdotes. Ce n’est pas un podcast de spécialistes, c’est accessible à tout le monde et en particulier aux curieuses et aux curieux du « beau ».

Si vous nous rejoignez pour la première fois, bienvenue, vous avez presque 50 épisodes à découvrir. Et venez aussi découvrir le beau sur instagram, c’est là que je suis le plus active.

Dans cet épisode, je reçois un éditeur français que vous connaissez forcément, une marque qui a envahi les terrasses et les jardins, qui a su exporter ses collections dans le monde entier, dans cette conversation, je discute avec le PDG de Fermob Bernard Reybier, de l’incroyable histoire de cette maison d’édition.

Depuis le petit atelier spécialisé dans le travail du fer et de la fabrication de portails jusqu’à son développement industriel dans les années 70 et l’arrivée du mobilier de jardin en plastique qui a bousculé toute une industrie.

Il nous parle de ce qui l’a poussé à croire en cette aventure et a racheté à la fin des années 80 cet atelier. Il nous raconte comment il choisit les designers avec avec lesquels il travaille et les caractéristiques essentielles d’un bon designer. On aborde aussi les questions du recyclage du métal et de plein d’autres anecdotes sur la marque. Je vous souhaite une très bonne écoute.

Hélène Aguilar : Bonjour Bernard Reybier.

Bernard Reybier : Bonjour Hélène.

H-A : je suis ravie de vous recevoir dans ce podcast, alors je trouve que Fermob a réussi une chose assez forte c’est de ramener de la couleur dans nos jardins, pas besoin de le préciser parce que je pense que tout le monde vous connaît, vous éditez et fabriquez du mobilier de jardin, des luminaires et des accessoires. J’ai d’ailleurs sélectionné certaines de vos pièces pour la boutique éphémère que j’avais ouvert en décembre dernier à Paris. Des pièces de la collection Bebop ainsi que des chaises Luxembourg que j’avais fait dialoguer avec des pièces dans une une scénographie d’un appartement en intérieur. J’ai aussi reçu le designer Frédéric Sofia qui a repensé l’ancienne chaise Sénat et qui l’a transformé en la chaise Luxembourg. D’ailleurs, si vous n’avez pas encore écouté cet épisode, je vous invite à le faire, c’est l’épisode 21. Et une chose aussi qui est marrante, vous savez qu’on a un point commun entre Fermob et où est le beau, Bernard Reybier  ?

Bernard Reybier : Ah non, alors  ?

H-A:  C’est que notre identité visuelle et notre logo a été imaginé par la même graphiste, Catherine Sofia, je crois que vous avez fait appel à elle pour positionner Fermob comme une marque joyeuse, proche des gens, forte et je trouve que j’aime beaucoup votre logo, fermob c’est le design dans nos jardins, c’est clairement l’histoire d’une très grande réussite française. Des Tuileries à Time Square en passant par les jardins des familles et des particuliers dans plus de 40 pays, vous avez bousculé les choses à grande échelle. Pour débuter notre conversation, je sais que vous êtes un passionné de design et d’art et donc j’ai envie de vous demander à quand remonte cet intérêt ?

Bernard Reybier : Alors, d’abord Hélène, merci pour vos propos, vu ce que vous avez dit, moi ça va être génial parce que je n’ai plus rien à ajouter. C’est vrai que l’allusion au logo lors du repositionnement de Fermob avec Catherine Sofia, c’était une belle histoire et puis vous avez évoqué plein de choses qui me parlent. Alors oui donc moi pourquoi je me retrouve dans le design et dans l’art.Je suis un enfant de la campagne, du côté des montagnes et du jura et de la Haute Savoie. Mais tout en étant un enfant de la campagne, j’avais une attention à la culture et aux musées grâce à mes parents, grâce à mon environnement. Et je pense que c’est de là que ça a démarré, on s’en rend compte après coup évidemment. Quand on est petit, quand on est dans des musées, on ne comprend pas ces étonnements et puis tout cela se concrétise beaucoup plus tard . Et puis par rapport au design, c’est beaucoup plus difficile à décrypter. Je pense que j’ai toujours eu en moi, une sorte de goût de la simplicité et de la simplicité des formes. Donc, dans mes goûts en matière de peinture, on pourra peut être y revenir après, l’attachement aux formes, l’attachement à la simplicité, alors toute relative parce que si je vous cite certains de mes peintres préférés, vous allez me dire que c’est d’une extraordinaire complexité. Mais en tout cas sur les formes,

une forme d’attention apportée à la rationalité et donc le superflu, même dans la vie, m’intéresse peu.

Du coup, le superflu, et on le retrouve dans les parti pris designs de Fermob, j’essaye partout de l’éliminer. Alors, il ne faut pas prendre ça à rebours en disant je suis un moine austère, non, ne vous méprenez pas. Voilà, c’est une réponse maladroite à une question fort intéressante.


L’histoire de Fermob

H-A: Est-ce que vous pouvez nous raconter en quelques mots l’histoire de Fermob ? Je crois que c’est une histoire qui débute dans les années 50 ?

Bernard Reybier : Alors l’histoire de Fermob, ça remonte même avant, dans tous les villages de France, il y a des artisans ferronniers ou un maréchal ferrant. Il y en a dans le petit village de Thoissey et puis dans les années 50, un des fils de la deuxième génération d’artisans fait l’école des arts et métiers à Cluny. Les bienfaits de la décentralisation, Cluny, c’est tout près de Thoissey en Saône et Loire. Cela passe du stade artisanal au stade entreprise, l’entreprise grandit avec le développement de la grande distribution dans les années 70 et puis se met à dépérir quand le métal est attaqué par le plastique puisqu’on trouve des chaises monoblocs en plastique à 10 francs, donc 1,5 €. Voilà, donc toutes les entreprises qui faisaient du mobilier de jardin en métal meurent toutes sauf une. Mais l’entreprise Fermob dépérit et se retrouve avec une dizaine d’employés dans un atelier, il n’y a plus d’organisation commerciale, administrative ou financière. Et donc moi qu’ai un parcours et des gènes d’entrepreneurs, je reprends, à l’étonnement de mes amis, ce petit atelier avec une transformation à laquelle j’ai pris immensément de plaisir pendant cette dizaine d’année.

H-A: Et alors quand vous arrivez et que vous reprenez ce vieil atelier, qu’est ce qui vous a donné envie de le reprendre ? Une pièce ?

Bernard Reybier : Oui, le catalogue de Fermob à l’époque c’est deux pages : une page avec la chaise bistro pliante en métal mais avec ses lattes en bois. On la trempe dans la peinture, on attend 2 jours que ça sèche.. et puis le mobilier à volutes 1900 de nos grand mères. Et puis, il y a un produit au milieu de tout ça, un peu incongru, qui est né avant que j’arrive, d‘une rencontre fortuite entre l’entreprise et Pascal Mourgue et ce produit c’est le face-à-face un secrétaire tout en métal très plat, inspiré justement des secrétaires fin 17 ème et moi je tombe en arrêt devant ce produit. La simplicité des formes dont je parlais avant donc je l’ai toujours dit, c’est pour ça que j’ai racheté Fermob. Alors ce produit démontrait quoi ? il démontrait d’abord une adéquation avec mes goûts personnels, dans la vie autant se faire plaisir. La deuxième chose , il démontre, j’ai une sorte de conviction, nous travaillons le métal, l’acier, l’aluminium aussi mais à cette époque particulièrement l’acier. le fer, c’est le terme pour vulgariser, on a tous appris ça à l’école existe depuis des milliers d’années et

je me dis qu’un matériau qui a des milliers d’années d’histoire a sans doute encore des milliers d’années d’avenir.

Alors sans parler de milliers d’années, si il y a quelques centaines d’années, ça suffira à mon plaisir. Et je sais aussi que sur le plan de la création, j’aime beaucoup cette phrase de Gustave Eiffel :

« le fer, matière à idées »

parce que vous imaginez un dessein, vous avez un trait dans votre tête, vous pouvez le traduire avec le métal. Avec 10 mm de diamètre d’un fil métallique, vous faîtes un pied de fauteuil, c’est le seul matériau qui permet ça : de passer directement de l’imagination à la réalisation.

H-A: Donc quand vous reprenez, vous aviez 10 ouvriers et une ambition mondiale ?

Bernard Reybier : Alors ça oui, je le dis pour l’anecdote, je les ai réunis et j’ai dit « nous sommes une entreprise mondiale ».

H-A: On vous prenait pour un fou, non ?

Bernard Reybier : Oui, bien sûr, ils me l’ont dit après mais sur le coup ils n’ont pas osé (rires) . Non mais cela me paraissait évident : je ne pouvais pas survivre et me développer sur une niche. Voir grand, ce n’est pas être orgueilleux mais c’est voir loin après on fait tout ça avec humilité et du coup ça a été très bien parce que ça a décomplexer tout le monde.

H-A: Alors comment vous avez-commencé ? Vous avez repris contact avec ce designer Pascal Mourgue ? Comment vous avez continué ?

Bernard Reybier : Alors j’ai continué avec Pascal Mourgue, alors au début une certaine distance et du scepticisme, mais Pascal Mourgue, qui est devenu un ami, qui est un designer qui nous a quitté, il y a 3 ans et chaque fois que je prononce son nom, j’ai beaucoup de tristesse, est un amoureux de l’industrie. je peux parler de lui en tant que designer, je peux parler de lui en tant qu’artiste mais c’est un amoureux de l’industrie, on s’est vite retrouvés là-dessus. Le savoir-faire, travailler, partir de la réalité … Et donc on a continué notre aventure ensemble. Parallèlement, j’ai continué sur des inspirations plus traditionnelles mais j’ai aussi dans un premier temps et l’histoire de Fermob aujourd’hui le fait oublier, beaucoup investi sur l’outil industriel parce que penser des belles choses, oui, les concevoir à titre de prototype, oui, mais bien les fabriquer pendant longtemps c’est aussi important pour la réussite.

H-A: Et alors concrètement, c’était rendre peut être plus léger le mobilier de jardin ? c’était quoi ?

Bernard Reybier : C’est à dire le rendre moins traditionnel, introduire de la modernité puisque à l’époque, donc de votre arrière grand-mère Hélène comme vous êtes toute jeune, le mobilier est forgé à la main en métal. Le fer et l’acier permettent  d’autres formes, donc on s’est lancés là-dedans d’une part nous avec quelques produits traditionnels que nous avons détraditionnalisés et modernisés et puis ensuite en partageant avec pascal cette vision et qui nous a proposés des produits alors toujours inspirés de la tradition puisque finalement on sait tous d’où on vient: On ne peut pas renier notre passé. Cela a été jalonné de produits la chaise Piccolo, la chaise Dune et de succès en succès.

Fermob et les couleurs

H-A: Comment la couleur arrive ?

Bernard Reybier : Alors la couleur, c’est une autre histoire : au commencement étaient le vert foncé et le blanc, les couleurs du jardin. Les seuls que les fabricants savaient à peu près fabriquer. Et puis, l’industrie de la couleur et des poudres a aussi beaucoup évolué mais on était très innovants avec les fabricants dans ce domaine, mais surtout très innovants dans le matériel nécessaire à l’application. Et donc la couleur a un lien avec mes goûts personnels pour la peinture, quand on dit art contemporain, moi c’est beaucoup la peinture. Ce lien, cet appel, cette envie de la couleur, j’ai à un moment beaucoup investi industriellement pour être en capacité de faire plein de couleurs dans des délais rapides sans surcoûts. Parce qu’intellectuellement on peut tous imaginer une chaise bleu, rose et.. mais transformer cela en projet industriel ça a été au début tout un travail souterrain qui a duré plusieurs années.

H-A:Parce qu’en fait ce qui est assez génial, c’est qu’on peut choisir tous les modèles existants en toutes les couleurs.

Bernard Reybier : Tous les modèles dans toutes les couleurs, 23 couleurs dans la gamme, dans le même délai et au même prix. C’est ça la performance parce que sinon vous pouvez toujours dire moi je vous fait un modèle de telle couleur. Et puis après couleurs, c’est lié aussi à des éléments vous évoquiez Catherine Sofia, vous évoquiez le logo que l’on a choisi, l’une des valeurs de Fermob, c’est la joie de vivre alors la vie en noir en blanc… La couleur c’est la vie.

H-A: Et donc tous les designers avec lesquels vous collaborez ont cette appétence pour la couleur aussi ?

Bernard Reybier : Pas du tout ! On travaille avec des designers, le travail du designer est sur le produit, forme etc. Certains se sont investis dans le dialogue avec nous sur la couleur et d’autres pas du tout. D’autres nous disent sur la couleur, on vous fait confiance. Je reviens avec Pascal Mourgue 1993, Piccolo, on fait un travail fabuleux, hyper subtil.

H-A: Vous pouvez la décrire ?

Bernard Reybier : Alors la chaise Piccolo, c’est une chaise intéressante, c’est une partie basse avec une assise pleine et des pieds en tubes. Le dossier est en fils mais le dossier en fils se monte dans les tubes arrières de l’assise et donc j’ai une chaise en deux parties et je peux faire du bicolore industriellement. Et là on fait un fabuleux travail avec Pascal Mourgue sur la couleur avec des finitions innovantes à l’époque. Donc, le travail sur la couleur faisait partie du design et même la conception de la chaise l’avoir en deux partie pour faire deux couleurs. J’ai d’autres designers, de grands designers, qui me disent non.

H-A: Par exemple ?

Bernard Reybier : Un exemple qui va vous surprendre, nous avons travaillé à sortir la chaise kintbury avec Terence Conran, qui est un grand designer, un grand décorateur et une belle science de la couleur. Et sur la couleur il m’a dit  » sur la couleur, vos couleurs c’est bien, je vous laisse faire » . Il y a des situations très variables sur la couleur.

Le processus de développement chez Fermob

H-A: La relation que vous avez avec vos designers, c’est que j’ai l’impression que ce sont à chaque fois des collaborations qui durent ?

Bernard Reybier : Ah oui, de manière générale, dans la construction du parcours d’une entreprise, que ce soit avec les collaborateurs, les fournisseurs mais aussi les designers, je ne conçois pas les choses si elles ne s’inscrivent pas dans la durée. En général, on des relations longues voire très longues et en se connaissant mieux, on fait mieux les choses, ça me paraît tellement évident.

H-A: Et si on parle du processus de développement d’un nouveau produit ? Alors déjà comment vous sélectionnez les designers parce qu’aujourd’hui, j’imagine que vous êtes vachement sollicités. Vous recevez beaucoup beaucoup de desseins, comment ça se passe ? Vous avez un process pour trier ? Parce qu’il y a aussi cette difficulté de ne pas louper la pépite ou de passer à côté de quelque chose qui soit vraiment fort.

Bernard Reybier : D’abord, ce qu’il faut savoir c’est qu’en permanence chez Fermob, nous sortons des nouveaux produits issus de nos propres équipes de designs et de designers extérieurs. Et ce qu’on sort en interne contribue tout autant à la réussite de Fermob que les designers externes. Mais effectivement au fil des années, on a de plus en plus de propositions spontanées. En fait, la proposition spontanée sur laquelle on se jette et qui fonctionne, ça n’est jamais arrivé sauf une fois et on pourra en reparler. Moi en général, j’aime bien connaître le designer sa façon de voir les choses et à un moment, on va plus loin dans la façon de travailler , le designer commence à faire des propositions et on ajuste. Mais le coup miraculeux, je vous envoie le truc, c’est pile-poil, non. Il faut une connaissance de l’autre approfondie pour arriver à se comprendre. Il faut non seulement comprendre ce que nous sommes aujourd’hui, mais ce qui est essentiel, comprendre ce que nous serons demain ou après-demain parce qu’un développement produit ça prend un peu de temps.

H-A: Mais alors quand il y a une rencontre et que vous décidez d’aller plus loin avec un designer, comment après ça se concrétise ? Donc vous travaillez sur des premiers desseins etc mais y’a toute une phase, vous pouvez nous l’expliquer ? 

Bernard Reybier : Oui, derrière, j’ai quand même un processus parce que nous avons beaucoup de propositions et on les regarde toutes, je les regarde toutes, avec le responsable du studio design. C’est sans doute le collaborateur que je vois le plus souvent dans l’entreprise, c’est plus marrant que le comptable, on est d’accord (rires), dans ce qu’on appelle un comité très régulier qu’on appelle d’exploration, on regarde absolument tout avec des catégorisations et avec une première évaluation qui dit, ce n’est pas un jugement définitif, si il y a un intérêt ou pas. On le réexamine ensuite en cernant par rapport à nos projections ou les segments vers lesquels on veut aller à horizon 2 ou 3 ans. Mais il y a essentiellement, les designers qu’on connaît depuis longtemps donc là on dialogue beaucoup. J’ai un dialogue fabuleux qui a donné naissance à la chaise Dune en 1996 qui est toujours dans notre gamme et que nous vendons encore à des milliers d’exemplaires. Il n’y a pas beaucoup de produits sur le marché du siège qui ont des vies comme ça. Nous voulions, avec Pascal Mourgue, remplacer entre guillemets la chaise bistro. Cette chaise bistro existe depuis 1889, cette chaise pliante, et je disais à Pascal, entre ton talent et mes facultés de fabricants, on devrait arriver à trouver quelque chose d’un peu différent. On a eu en fait près de deux ans de discussions ouvertes sur comment on voyait le renouvellement de cette chaise et puis il est arrivé un jour avec un croquis. Donc, vous voyez deux ans de discussions avant de commencer à se mettre au travail.

H-A: Alors après quand vous commencez à vous mettre au travail, c’est quoi une phase de prototypage ? 

Bernard Reybier : En général, il y a toujours une maquette design donc elle n’est pas forcément fonctionnelle, on ne peut pas forcément s’asseoir dessus. Mais fonctionnelle parce que je veux privilégier la forme et l’esthétisme et après seulement on commence a se dire comment techniquement on peut résoudre les problèmes qui se posent ? Comment on peut la fabriquer ? Et là, il y a des équipes de techniciens encadrées par des chefs de projet qui se mettent au travail. Alors j’ai des prototypistes qui ont des doigts en or et après on passe vers des techniciens qui industrialisent, après il faut des gabarits de soudures etc…

H-A: Tout ce process prend combien de temps en général, des années?

Bernard Reybier : Un développement produit, on est jamais bien loin de deux ans. Alors, ça nous est arrivé sur des compléments de gammes ou des trucs faciles de descendre en dessous d’un an mais faut pas rêver. C’est entre 1 et 2 ans.

Focus sur des produits Fermob

L’éclairage extérieur

H-A: Alors moi j’aimerais bien qu’on parle de deux créations Fermob : une lampe que moi j’aime beaucoup c’est la lampe Mooon, elle est assez récente, non ?

Bernard Reybier : Oui, notre incursion dans l’éclairage d’extérieur est récente. Le premier des produits ça a été Balad et le second c’est Mooon qui se décline aujourd’hui en 3 modèles donc ça date d’un an et demi.

H-A: Vous pouvez la décrire un petit peu pour les auditeurs ?

Bernard Reybier : Alors Mooon, c’est facile à décrire. Elle est faîte de rien, elle renvoie aussi à un archétype qu’est le lampadaire de rue avec son pilier cylindrique droit et sa sphère d’où jaillit la lumière. on peut faire guère faire plus simple. Elle existe en plusieurs tailles, Une d’environ une quarantaine de centimètres, une d’1,24 m et puis une taille intermédiaire qui arrive en ce moment, en février, sur le marché.

H-A: Alors je crois que c’est Tristan Lohner le designer ?

Bernard Reybier : Tristan Lohner oui.

H-A: Et donc Mooon, ça s’écrit avec 3 « O » , alors pourquoi ces 3 « O »  ?

Bernard Reybier : D’abord, quand vous la voyez la nuit, inévitablement, on pense à la lune mais c’est une sorte de lune démultipliée dans ses usages, c’est ce qu’on voulait symboliser avec cette succession de O. C’est une lampe alors d’extérieur, elle a les qualités pour : l’étanchéité, toutes les normes, elle est autonome donc vous n’avez pas besoin de fil. Elle a une durée de luminosité suffisante puisqu’en général si vous vous installez avec cette lampe et qu’elle s’éteint , vu sa durée de lumière de 8 h c’est que le petit matin est arrivé et que vous pouvez aller vous coucher. Mais elle a des utilisations aussi en intérieur, elle peut être sur son chargeur et puis le 3 ème mot c’est qu’elle a une utilisation très versatile.  J’en ai chez moi et c’est fabuleux car ce produit est sur son socle, a un endroit, et au gré de vos déplacements, parfois vous voulez être dans un coin de votre pièce en disant moi j’ai besoin de lumière pendant que ma compagne au contraire veut moins de lumière. Bon je prends cette lampe par la main et comme Jupiter avec son énergie, je la pose à un endroit et la lumière jaillit. On ne devine pas que derrière tant de simplicité, elle peut vous accompagner dans tant de moments de la vie : dedans, dehors, y comprit dans des salles de bain. Vous allez dire l’éclairage, l’ombre me gêne parce que quand je me maquille… il y a des tas d’utilisations… Je ne me maquille pas tous les matins, je précise ( rires)

Les tables Bebop

H-A: Après on peut peut être parler de la collection Bebop, qui sont des tables ?

Bernard Reybier : Bebop, c’est une collection intéressante alors je ne sais pas si c’est le fait du hasard, c’est aussi un design de Tristan Lohner. C’est un produit tout métal donc il est bien dans l’expression du matériau de base de Fermob donc c’est pour ça qu’il est intéressant. Y’a son aptitude à porter la couleur qu’est absolument la couleur qu’est absolument incroyable. Il porte très bien la couleur parce que ce produit, quand vous le voyez, entre le plateau, la table …

H-A: Pour le décrire ?

Bernard Reybier : On a un plateau qui peut être rond, carré ou rectangulaire. Une forme ovalisée dans les angles, qui est posée sur des pieds qui sont très larges et on ne voit pas, il est absolument impossible quand on voit ce produit, alors qu’il est absolument transparent, c’est à dire que le pied se fixe sur le plateau, on ne voit pas comment c’est fixé. On a l’impression que c’est une feuille de métal, on ne sait pas comment ça tient, et moi j’aime cette magie. j’aime quand toute la technologie disparaît derrière la simplicité et l’évidence. Et comme il n’y a rien que le métal, il porte magnifiquement bien la couleur et on peut jouer avec. Et puis il est dedans, il est dehors, il est aussi versatile, multi-pièces…

Fermob et l’écologie

H-A: Moi j’aimerais qu’on aborde les aspects écologiques parce que vous fabriquez du mobilier de jardin, vos ateliers sont installés à la campagne dans l’Ain, forcément c’est compliqué de fabriquer des meubles de jardin et de ne pas être attentif à la nature. Quel est le rapport à la nature chez Fermob ? 

Bernard Reybier : Là aussi il y avait une évidence : vous ne pouvez pas même si c’était il y a près de 30 ans, fabriquer du mobilier de jardin sans y être attentifs. Enfin, on a une usine à la campagne, quand je dis à la campagne, nous sommes pas loin de la Saône, le président de la société de pêche est un des employés de la société. Y’avait cette sorte d’évidence. Cette double conscience, très partagée par tout le personnel, parce que j’ai formalisé les valeurs de l’entreprise il y a très longtemps et le respect de l’environnement, donc milieu des années 90, près de 30 ans, le personnel se reconnaissait dans cette valeur et mais aussi sous la pression de clients étrangers et notamment de la Californie et de certains clients d’Allemagne du Nord et de Scandinavie.

« la décision la plus risquée dans ma vie de chef d’entreprise, c’est d’investir dans une chaîne de peinture zéro rejet »

Parce que le respect de l’environnement, on peut en parler mais après il faut faire et donc vous avez une responsabilité industrielle. On a fait ça en 1996, l’expression développement durable n’existait pas, elle a été inventée à la fin de l’année 96 par une norvégienne dans une conférence internationale : sustainable development. Donc on a commencé dans le développement durable, avant que les mots existent. Cela a donné une sorte de fierté et de mobilisation à l’entreprise et on a été toujours très en avance sur ce sujet et je ne vais pas vous énumérer toutes les actions dans ce domaine parce qu’elles se chiffrent, on a fait le cumul, on a dépassé les cent dans ce domaine. Et puis on une autre grande fierté mais ça ce n’est pas que grâce à nous, le circuit économique du recyclage des métaux est organisé depuis très longtemps, la valorisation du métal aussi. Et avez-vous une idée du taux de valorisation de l’acier ?

H-A: Non, aucune idée.

Bernard Reybier : 100 %, avez-vous une idée du pourcentage d’acier recyclé qui rentre dans la fabrication de nos produits ? On est à 96 % 95% ou 96%. ce n’est pas que grâce à nous, c’est parce que c’est une filière très ancienne. Mais moi je rigole, je me marre quand j’entends parler de tel ou tel matériau recyclable. Nous on est non seulement recyclable mais effectivement recyclés et valorisés à 100 %

L’association du VIA

H-A: Vous avez été il y a quelques années élu président du VIA, est-ce que vous pouvez nous expliquer ce que c’est ? 

Bernard Reybier : Le Via est une association qui est liée aux professions de l’ameublement français et qui est une interface entre les designers et ces industriels. Le VIA a 40 ans d’existence .

H-A: ça veut dire quoi VIA ? 

Bernard Reybier : Valorisation pour l’Innovation dans l’Ameublement. Ses missions:

  • Faire la promotion du design français ( en mettant en relation industriels et designers)
  • Faire la promotion du design français à l’international

Dans ce domaine, on a commencé un certain nombre de mesures enfin qui continuent toujours, des appels à projet, des appels permanents. Alors, aujourd’hui on des incubateurs mais au début du VIA, on avait des petits jeunes qui s’appelaient Jean-Michel Wilmotte, Philippe Stark, on a eu après des Patrick Jouin. C’est d’ailleurs par un des ces appels à projet du VIA qu’en tant que Fermob, je l’ai rencontré et qu’on continue une collaboration longue et amicale. Ensuite des Philippe Nigro… et dans les jeunes d’aujourd’hui, moi j’ai parrainé l’exposition de la dernière promotion de l’incubateur, il y a deux mois. Bon, il y avait 11 projets, des noms si je vous les cite, ils ne vont pas vous dire grand chose, mais revenez dans 10 ans.

Le rôle du designer chez Fermob

H-A: Ce sera peut être les grands de demain. Je crois que vous avez affiché dans l’entrée de vos locaux une phrase que je vais vous laisser prononcer, c’est sur votre rapport entre l’art et le design.
Bernard Reybier :

L’art est une question, le design doit être une réponse

J’ai un certain nombre de citations dans l’entrée de l’entreprise qui mettent en valeur l’imagination qui est nécessaire, le respect du passé… Mais celle là elle est de moi parce que les autres vous avez Einstein, Anatole France, Bertrand Piccard et très immodestement je me suis mis au milieu de tout ça (rires). Pourquoi je l’ai fait, parce que j’entends de temps en temps dire « les designers sont des artistes, vous faîtes de l’art ». Non, j’ai trop de respect pour l’art pour confondre les deux. Le design a une obligation de résultats. Notamment, un bon designer est un fabuleux observateur des usages, un designer qui ne s’intéresserait pas aux usages n’est pas un designer. Alors, ça n’empêche pas des designers par ailleurs de pouvoir avoir des productions artistiques. c’est le cas de Frédéric Sofia qui ,par ailleurs, dans un autre cadre que son travail de designer, a des productions artistiques. C’était le cas de Pascal Mourgue qui faisait des pièces en verre, ça n’avait rien à voir avec son boulot de designer. il faut distinguer les deux mais l’obligation d’être confronté à l’usage fait partie du design alors que dans l’art non, il n’y a pas cette obligation.

H-A: Mais est-ce que quand même pour vous, le rôle d’un designer, c’est aussi de faire rêver ? 

Bernard Reybier :  Dans les composantes du design, bien entendu, vous intégrez l’usage, vous intégrez l’ergonomie, vous intégrez les formes et l’esthétique. Alors, là vous avez déjà un bon designer mais le très bon, c’est celui qui met tout ça en harmonie avec un je-ne-sais-quoi de poésie ou de rêve.Donc,  ça ne dispense pas, oui le designer peut faire rêver, mettre de la beauté mais il faut qu’il ait coché les cases d’avant mais in fine on retrouve tout ça chez les très bons.

H-A: Bernard, Quel a été votre plus gros choc esthétique ? 

Bernard Reybier : Plus gros choc esthétique, moi qui suis originaire des montagnes, j’ai mes plus belles émotions alors je ne sais pas si on peut les qualifier d’esthétique sont devant des paysages. Des paysages mais ça peut être aussi devant des architectures. Moi j’ai eu des émotions incroyables au lever du soleil sur le Machu Pichu ou sur Bagad en Birmanie et puis sans compter les montagnes que je peux voir 1000 fois et m’émerveiller de la même façon la 1001 ème fois. Après émotion esthétique, oui il y a des artistes peintres qui ont mes préférences et en creusant je me suis aperçu que c’était beaucoup autour des années 50 qui est ma période de naissance, je ne sais pas si c’est une explication mais aussi beaucoup de peintres qui ont un travail sur la couleur approfondi donc des Bonnard, des Matisse…

Une définition du beau par Bernard Reybier

H-A: Alors vous savez que ce podcast s’appelle « où est le beau » et que j’ai une petite tradition, c’est que je demande à tous mes invités de me donner leur définition du beau, alors Bernard Reybier, est-ce que vous pouvez nous dire, pour vous, qu’est ce que c’est le beau ? 

Bernard Reybier : Cruelle question (rires), le beau je pense que c’est quand on est en même temps bien au dehors et au dedans. Donc il y a une notion d’harmonie … C’est une définition du beau parmi d’autres.

Les Questions de la fin

H-A: On arrive aux petites questions de fin. Bernard, vous passez beaucoup de temps à voir beaucoup d’objets de mobilier. Moi je me pose une question Chez vous comment c’est ?

Bernard Reybier : Alors chez moi comment c’est, alors il y a le dedans et le dehors. Et sur le dehors, j’ai la chance d’avoir une maison près de Lyon mais qu’est à la campagne avec 3 terrasses. Et donc toutes les 3 sont aménagées, et j’ai Pascal Mourgue, Patrick Jouin et Frédéric Sofia. Mais j’ai le coin du matin pour le déjeuner, le coin de la détente au bord de la piscine et puis le coin du manger ensemble en famille. Et dans les coloris, en fait j’ai une maison un peu particulière faite de béton et de bois qui surprend toujours un peu les gens qui la voient et donc j’ai des coloris prune et fuschia. Essentiellement prune qu’est un coloris assez discret mais avec la lumière en fuschia qui peut surprendre mais c’est voilà là encore, cette couleur qui jaillit est plaisante.

H-A: Est-ce que vous avez une pièce de design préférée ? D’un grand designer ? 

Bernard Reybier : En tant que président du VIA, j’ai été à l’origine de l’exposition NO TASTE FOR BAD TASTE so Starck, so Bouroullec et j’ai demande la sélection de 40 produits mais qui ont été des coups de coeur d’une quarantaine de personnes différentes. Alors moi je sais que j’ai j’ai beaucoup de pièces de design qui m’interpellent mais je sais que dans cette sélection, je sais qu’un siège de jean Philippe Nuel que j’aime par sa sobriété mais aussi son confort et son classicisme , alors si je commence à le citer, je ne vais pas vous citer les 40 parce que là vous allez dire coupez ( rires) J’ai cité le face-à-face de Mourgue ou le fauteuil Lune d’argent qui était un des produits emblématiques du design de la fin du 20 ème siècle. J’ai beaucoup de coups de coeur, quand je suis arrivé dans ce domaine, je me souviens d’une table de Marie Christine Dorner. Mais bon j’en ai plein là, il faut que j’arrête ( rires) .

H-A: Est-ce que vous avez un conseil que vous aimeriez donner aux jeunes designers qui sortent de l’école aujourd’hui ? 

Bernard Reybier : N’oubliez jamais l’usage, premièrement. deuxièmement, soyez conscients de vos forces de manière générale. En tant qu’industriel mais aussi en tant que président du VIA, la formation qu’on a en France dans nos écoles de designs est magnifique. Là encore, ne me demandez pas quelle école ou je les cite toutes. Nous n’avons pas à rougir, on est sur le podium mondial mais alors sans souci. Et je veux pas rouler les mécaniques en disant la première marche mais il y a un bon enseignement et puis le dernier conseil c’est « Osez » et « Persévérez » car je reconnais que côté industriel, l’ouverture au design est , je l’ai vécu moi-même, quand j’ai repris Fermob, on me disait c’est qui ce gars qui nous parle de design, enfin y’avait des propos presque un peu j’allais dire méprisant ou ironique. Et je reconnais que ce n’est pas l »ensemble des chefs d’entreprise qui comprennent la valeur ajoutée d’un designer. Mais persévérez, on est quand même sur le bon chemin. (rires)

H-A: Est-ce qu’il y a un lieu que vous aimez bien en ce moment, une adresse à partager  ? 

Bernard Reybier : Adresses à partager , j’ai mes coins secrets en montagne mais ça je me les garde. Par exemple, je ne sais pas si beaucoup de gens connaissent, moi qui suis Lyonnais, la façon dont ont été aménagés des parkings à Lyon. Et quand le beau se trouve dans un endroit comme le parking des celestins à Lyon. Donc si un jour vous êtes à Lyon, vous avez le parking des Célestins, vous avez le théâtre des Célestins. Vous avez cette place au moment où les arbres qui la décorent sont en fleurs est magnifique et vous avez ce parking qu’on peut regarder sans aller dans le parking à travers un appareil optique qui le permet. Un lieu un peu insolite.

H-A: A qui aimeriez-vous passer le relais dans ce podcast Bernard Reybier ? 

Bernard Reybier : A un enfant ou a des enfants. Vous avez déjà interviewer des enfants sur où est le beau ? Il faut le faire ! La définition du bonheur c’est pas compliqué, moi j’adore aussi la musique enfin il y a des enfants dans ce domaine. Voilà, il y a de la spontanéité donc si interrogez des enfants dans ce domaine, ça va être fabuleux.

Où trouver Fermob ?

H-A: Et où est ce qu’on envoie les personnes qui veulent retrouver les collections fermob ?

Bernard Reybier : Il y a bien évidemment le site fermob, un site de vente fermob, nos boutiques parisiennes et aussi tout notre réseau de revendeurs Fermob en France parce que nous avons fait le choix d’avoir un réseau physique de revendeurs avec des partenaires fidèles et puis qui amènent une valeur ajoutée parce que je crois que quand on achète du mobilier d’abord, ce n’est pas du one shot, c’est pour accompagner dans la durée, voir les couleurs, les sentir donc tout ce réseau, les adresses sont sur le site  » Où trouver Fermob ? »

H-A: Entendu, Merci Beaucoup Bernard Reybier ! 

Bernard Reybier : Merci Hélène !

Découvrez bientôt la Fermob Week

Cet article peut vous intéresser

lampe fermob mooon 134cm bleu acapulco ambiance piscine

Un jardin entièrement illuminé grâce aux lampes connectées

Que vous soyez adepte des objets connectés ou bien curieux d’essayer, remplissez votre jardin de …

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *